« L’idée n’est pas de remplacer les opérateurs privés, mais de proposer un cadre plus sûr, plus commun, qui servira à tout le monde », a martelé le gouverneur. Le constat est d’ailleurs sans appel : imprimer les billets coûte cher, et leur durée de vie dépasse rarement six mois. « Le billet de 100 ariary ne vaut même pas son prix d’impression. Et comme Madagascar n’imprime pas ses propres billets, on paye encore plus cher », souligne le gouverneur de la BFM, Aivo Andrianarivelo, qui voit dans ce virage digital une logique imparable, ne serait-ce que pour soulager le budget de l’Etat.
Réticence
Sur le terrain, les réactions oscillent entre prudence et espoir. Dans le centre-ville d’Analakely, Fara, une commerçante de 43 ans, reste sceptique : « On nous parle encore de trucs numériques alors que l’électricité est coupée tous les jours. Comment on va faire ? ».
Plus au sud, à Itaosy, Solofo, jeune développeur dans une start-up locale, y voit au contraire « une avancée historique si c’est bien fait, surtout pour ceux qui n’ont pas accès aux banques classiques ». Cependant, les enjeux sont multiples pour rassurer les utilisateurs, collaborer avec les opérateurs mobiles, sécuriser les transactions, mais aussi convaincre les plus réticents. Car malgré l’élan affiché, certains économistes craignent une fracture encore plus grande entre les zones connectées et les autres. « Si la BFM veut vraiment réussir, elle devra accompagner l’"e-Ariary" d’un grand plan d’éducation numérique, sinon cela restera un gadget pour les grandes villes », explique un opérateur dans le domaine du paiement électronique, venu assister à la présentation d’hier soir. Reste aussi à savoir si le public fera confiance à une monnaie qui n’a pas de forme palpable. Bref, la révolution est peut-être en marche, mais elle n’est pas encore dans toutes les poches.